L'art de communiquer par le toucher. 2. "Communiquer"
Je poursuis avec vous le partage des réflexions qui me viennent au fur et à mesure de nos rencontres pendant les séjours ressourcement :
L'ART DE COMMUNIQUER PAR LE TOUCHER
Aujourd'hui je voudrais m'attarder sur le mot "communiquer".
Comme vous le savez, chaque séance comporte un temps d'échange, le plus souvent verbal, avant et après le massage. Maintenant que nous sommes intimes, je peux bien vous le dire, il arrive parfois que dans une séance, ce ne soit pas le massage le plus important. Il arrive même qu'il y ait des séances sans massage, tout simplement parce ce n'est pas ce qui semble le plus juste ou le plus utile à ce moment là. Mais gardez ça pour vous !
Ce n'est pas le sujet, mais je sens bien au téléphone ou en séjour des personnes se demander à quoi servent ces temps et même à en être surprises. Pour quoi faire ? D'autres entrent dans la salle et sont déjà en train de se déshabiller comme si elles étaient pressées d'en finir. Vu la qualité du massage, je peux bien comprendre ;-). Mais si nous prenions contact ?
Chaque séance est une rencontre. Et dès le début de la séance, nous sommes déjà en train de nous rencontrer. Avant même de décrocher le téléphone pour prendre rendez-vous, nous sommes déjà en train de nous rencontrer, de tisser des liens.
Alors je réponds une chose simple : j'ai besoin de savoir ce qui vous amène, qui est cette personne qui vient me rencontrer et l'idée qu'elle se fait de ce qu'elle vient chercher. C'est aussi l'occasion de faire une pause, de casser ce rythme incessant qui non content de nous faire courir après le travail, les courses, les gosses, le prince charmant, nous fait courir aussi chez le masseur de bien-être et nous jeter sur la table de massage en criant "débarrassez moi vite de ce stress, j'ai rendez-vous avec le fisc à 16h".
Et si nous prenions contact ?
Juste le temps de se dire, tiens, mais il y a quelqu'un dans cette salle ! Mais s'il y a quelqu'un dans cette salle, j'y suis peut-être aussi ?!
Et donc ce premier temps sert à se rencontrer. Et surtout, c'est une manière de commencer à se toucher. Hé oui, il y a des choses qui nous touchent (rien de négatif là-dedans). Les paroles aussi nous touchent, une attitude, un regard, autant de possibilité de commencer à reprendre contact avec soi-même, de faire chuter la pression, de se souvenir de pour quoi on est venu et de pénétrer déjà dans cet espace intérieur qui nous mène à nous-même.
A la fin du massage, il y aura aussi un temps d'échange, après le temps nécessaire à continuer à goûter les impressions corporelles qui perdurent. Et ce temps d'échange n'est pas un compte rendu. Il s'agit juste de faire part de ce qui est là, quelquefois encore un peu brumeux, juste dans l'ombre, au bord de la conscience et qui peut s'éclairer si l'on veut bien laisser s'exprimer ce qui a à l'être, y compris si c'est totalement inconnu. A ce moment une trace de l'expérience vécue se met en place, non pas pour la figer ou l'interpréter, mais simplement pour en éclairer les contours et ne pas laisser retourner dans l'ombre ce qui a été vécu et expérimenté.
Arrivons-en à la communication :
Finalement la personne allongée n'a rien à faire, juste sentir, goûter, venir à la rencontre. Elle n'a pas à communiquer quoi que ce soit, dans une forme de réciprocité. Venir au contact de la personne qui vous touche ne signifie pas de faire un massage en retour. La personne qui reçoit le massage n'a rien à donner en retour. Je le précise car c'est ce que certains ont cru comprendre. Non, rien à faire. Juste à laisser s'exprimer ce qui cherche à s'exprimer, éventuellement, et dans ce cas sans retenue.
Mais quelle est donc cette communication ?
Vous n'avez rien à faire pour communiquer. Vous communiquez déjà tout le temps. Par votre respiration, par vos mimiques, vos micro-mouvements, vos soupirs, vos retenues... En fait, vous communiquez par votre manière d'être présent, d'habiter votre corps, d'inviter le masseur par un mouvement imperceptible (ou presque) à venir vous rencontrer là où vous en avez besoin. Ne vous posez pas cette question : "Que dois-je communiquer". C'est déjà là. La seule chose que vous ayez à faire, c'est de ne pas empêcher cette communication, c'est à dire de ne pas chercher à la contrôler.
Et à ce moment, lorsque l'un et l'autre ouvrent leur espace, il arrive que le masseur et le massé agissent ensemble pour que le massage se fasse. Il n'y a plus alors d'un côté le receveur, de l'autre le donneur, il y a l'ouverture d'un espace commun, l'espace de l'être.
Francis Lemaire